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Après les frappes de Noël 2025 : Reconfigurations stratégiques et impératifs de souveraineté en Afrique de l’Ouest
December 29, 2025 at 9:00 PM
by SilmBaore – Stratégies pour le Développement
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1. La nouvelle posture américaine : Projection "Offshore" et unilatéralisme

L’opération du 25 décembre 2025 révèle une adaptation majeure du dispositif militaire américain (AFRICOM). Privés de leurs bases au cœur du Sahel, les États-Unis démontrent leur capacité à frapper des cibles profondément à l’intérieur des terres depuis des destroyers en mer et des bases côtières (Ghana, Golfe de Guinée).

Officiellement justifiée par la « protection des chrétiens » et la réponse aux attaques contre des églises et écoles, cette intervention s’inscrit dans un narratif destiné autant à l’opinion intérieure américaine qu’aux élites d’Abuja. Cependant, cette coopération militaire étroite entre Washington et le Nigéria reconfigure les équilibres régionaux. Le Nigéria apparaît désormais comme le pivot d’une stratégie occidentale de contrepoids face à la montée en puissance de l’AES et à son partenariat avec la Russie. Pour l’AES, le message est clair : l’expulsion des troupes occidentales ne garantit pas l’imperméabilité de son espace stratégique face à des frappes de longue portée.

2. Le défi de la vérité : Méthodologie de vérification indépendante

Face aux récits concurrents — propagande jihadiste, communication de l’AFRICOM et déclarations parfois divergentes d’Abuja — la priorité absolue pour les acteurs régionaux est d’établir une vérité factuelle incontestable. L’acceptation passive des versions officielles expose l’AES à des manipulations informationnelles. Une méthodologie de vérification rigoureuse doit être déployée sur trois axes :

  1. Analyse comparative des discours : Il est crucial de confronter les communiqués de la Maison Blanche et de l’AFRICOM (nature des cibles, « coordination ») avec ceux du gouvernement nigérian. Les divergences sémantiques entre « assistance » et « intervention », ou sur le bilan des victimes civiles, trahissent souvent des tensions politiques sous-jacentes qu’il faut exploiter.
  2. Enquête de terrain et criminalistique : La documentation des sites frappés (cratères, débris) est indispensable. L’identification des fragments de munitions via des bases de données spécialisées (comme l’Open Source Munitions Portal) permet de confirmer l'origine des tirs et de contrer les rumeurs.
  3. Renseignement en source ouverte (OSINT) : L’utilisation de l’imagerie satellite (avant/après) et la géolocalisation des vidéos circulant sur les réseaux sociaux sont nécessaires pour évaluer l’ampleur réelle des destructions et la chronologie des impacts, indépendamment des bilans officiels.

3. Risques de contagion : Le spectre du scénario libyen

L’interventionnisme extérieur, même ciblé, comporte un risque élevé de déflagration régionale. L'histoire récente, notamment le précédent libyen, démontre qu'une opération justifiée par la protection des civils peut entraîner un effondrement étatique et une prolifération d'armes.

Le nord-ouest du Nigéria, zone de chevauchement entre jihadistes, bandits et milices, est particulièrement volatile. Des frappes mal calibrées risquent de nourrir les recrutements extrémistes plutôt que de les endiguer. De plus, la porosité de la frontière nigérienne dans la zone du Liptako-Gourma crée un danger immédiat pour l'AES : les groupes armés visés au Nigéria pourraient se replier ou se réorganiser sur le sol nigérien, exportant l'insécurité. Enfin, la fracture entre l'AES et la CEDEAO favorise une multiplication des ingérences étrangères, transformant la région en théâtre de guerre par procuration entre l'Occident et la Russie.

4. Recommandations stratégiques pour l’Alliance des États du Sahel

Pour transformer cette menace en opportunité de consolidation, l’AES doit déployer une stratégie multidimensionnelle.

A. Consolidation Militaire et Dissuasion

L'AES doit accélérer l'opérationnalisation de sa force conjointe de 5 000 hommes et de son état-major unifié. La priorité doit être donnée à l'acquisition de capacités de défense aérienne, même limitées (radars, surveillance, lutte anti-drones), pour surveiller l'intégrité de son espace aérien. Une doctrine claire de réaction à toute incursion non autorisée doit être établie, incluant une gradation de la riposte et une saisine systématique des instances de l'Union Africaine (UA).

B. Offensive Diplomatique Panafricaine

L’AES doit porter le débat au niveau continental. Il est impératif de construire un front diplomatique avec des partenaires comme l'Afrique du Sud ou l'Éthiopie pour dénoncer l'unilatéralisme. L'objectif est de promouvoir une résolution au Conseil de paix et de sécurité de l’UA stipulant que toute intervention militaire extérieure doit être soumise à un cadre africain collectif.

C. Maîtrise du Récit et Cohésion Sociale

Pour contrer l'instrumentalisation religieuse du conflit (le narratif de la « défense des chrétiens »), l'AES doit collaborer étroitement avec les leaders religieux musulmans et chrétiens. Il faut démontrer que la souveraineté africaine protège toutes les confessions et que l'ingérence étrangère est le véritable facteur de chaos. La création d'une cellule conjointe de suivi des frappes, produisant des contre-rapports basés sur des preuves vérifiables, est essentielle pour gagner la bataille de l'information.

D. Pragmatique Régional et Profondeur Économique

Malgré la rupture politique, l'AES doit maintenir des canaux techniques ouverts avec le Nigéria et la CEDEAO sur la gestion des frontières et le renseignement. L'autonomie stratégique ne doit pas signifier l'isolement total, au risque de créer deux blocs hermétiques et hostiles. Parallèlement, la sécurisation de corridors économiques vers l'Atlantique et la création de la Banque de l'AES sont vitales pour réduire la vulnérabilité aux pressions extérieures.

Conclusion

Les frappes de Noël 2025 ne sont pas un incident isolé, mais le prélude à une nouvelle forme de rivalité stratégique en Afrique de l’Ouest. En refusant la victimisation et en adoptant une posture proactive — mêlant rigueur factuelle, renforcement capacitaire et diplomatie d’influence — l’AES peut éviter le piège de la fragmentation. L'enjeu est de prouver que la sécurité régionale ne dépend pas de tuteurs extérieurs, mais de la capacité des États africains à définir et défendre leurs propres intérêts vitaux.